19/04/2016

Le tigre de poche

11 h 12  - Zone N - Le "Nuggets" porte de service

- Les clochards ne sont pas les bienvenus dans le bar, casses toi gamine.
- Mais p'tain, t'es complétement con ? J'te dis que c'est Carl qui m'a...
- Dernier avertissement.

C'est sur, je n'ai pas grand chose à envier aux "clochards" : Mon masque à poussière est noirci de crasse et il colle à mon visage... Un peu comme mes cheveux gras qui me cachent les yeux. Rien à part le simple fait que j'ai été appelée par mon client et que même si ce gorille fait deux fois ma taille, mon age et quatre fois mon poids, il est hors de question que je me laisse marcher dessus.

Je reste donc bras croisés face au grand balèze qui surveille l'entrée de service du "Nuggets", un "restaurant" (c'est plus un bordel à mon avis) dirigé par Carl, mon employeur du moment. Pas un tendre, et plutôt gros lourd, mais on choisit rarement qui propose un boulot dans le milieu. Carl m'a offert plusieurs petits boulot pas trop mal payé, j'ai toujours fait ce qu'il fallait sans rechigner... Je dirais pas qu'on s'aime bien, mais qu'on se trouve utiles.

Mais bon, alors que je fait le "toutou docile" et que je rapplique illico après un appel voila qu'on me pète les ovaires? Faire une esclandre est impossible, car Carl désire que mon implication dans ses affaires soit discrete et je ne voudrais pas me fâcher avec mon seul employeur régulier... ca serait un coup à me faire ouvrir le bide d'un coup de surin par un autre de ses chiens...

Mais comme le gorille du jour n'est pas une tête connue, voila qu'il me refuse l'entrée, sous prétexte qu'il y a assez de crasse sur moi pour repeindre la façade (ce qui est sans doute vrai... on s'habitue vite à sa propre crasse donc je sais plus trop ce que je donne en visuel).

Mais c'est pas comme si ça m'amusait d'être dégueulasse et de risquer les maladies de peau hein? Ma tente me protège tout juste de la pluie, et je suis un peu démotivée à l'idée de me laver avec l'eau noirâtre qui me tombe dessus. S’agirait pas de me trouer la peau avec une pluie acide.... 

Bref, j'ignore les propos de l'emmerdeur pour extirper lentement mon portable de ma poche, un beau modèle, bien que fissuré. J’envoie un mot doux. "Ton gardien m'emmerde Carl, je me casse" Voila, mon texto est parti, y'a plus qu'a attendre, je vais écouter le grand me gueuler dessus pour passer le temps.

- ...amine, je te donnes cinq secondes, cinq putains de secondes, avant de te foutre mon pied...

La porte s'ouvre derrière lui, et l'homme se fige tandis qu'un petit freluquet en costume rapiécé passe la tête dans la rue, fronçant les sourcils à la vue d'une fine brume poussiéreuse qui tente de pénétrer dans le bâtiment.

Il s'attarde sur moi, me dévisageant de la même façon qu'une mouche à merde noyée dans sa soupe. Je ne connais pas son nom, mais ce visage de fouine m'est familier.

- La gosse entre. Il me fait un signe avant de fixer le chieur. Et tu ne l'as pas vue.
- Pigé.

Je m'engouffre dans le bâtiment, signalant d'un geste l'agacement que m'a procurer cet entretien au gorille un peu gêné (une histoire de majeur et de fouille rectale) et la porte claque dans mon dos. La fouine m'entraine dans les corridors privés du restaurant que je connais de mieux en mieux. Et finalement il m'ouvre la porte du salon où j'ai la "chance" de rencontrer Carl avant chaque boulot.

Il m'attend, installé sur son canapé, enfin non, vautré sur son canapé... Une tenue de maquereau aux teintes pastels comme à son habitude, et sur fond musical atroce, un machin au piano qui ferrait vomir un arc en ciel à une licorne.
Mais ce qui attire mon attention, c'est qu'il a fait dresser le couvert à mon attention (une noble idée),  nappe, assiette et tout le fourbi. J'ai même droit a un siège couvert d'un bâche (s’agirait pas que je salope un meuble avec mes fringues).
 
- Wow, tes affaires marchent bien Carl, je vois que t'y va sur l'accueil.
- Ha, mon petit chaton. Toujours ponctuelle. Vas y installe toi.

Sans un mot je m’exécute, inutile de râler sur le fait que ses putains de surnoms m'agacent, il ne m'écoute pas. La table, qui m'est destinée est une de celles du restaurant, je crois qu'il faut payer dans les 50 dollars pour avoir le luxe de saloper une nappe et de manger un bout... Aussi, je ne vais pas me faire prier. J'ouvre l'un des sachets de nutrisoja, indifférente au parfum et je le verse dans l'assiette, avant de touiller le tout et de commencer mon repas.

Refuser un repas est un luxe que je ne peux pas me permettre et même si je dois me méfier de ce que Carl me file a bouffer... Enfin, s'il voulait me nuit, je serais déjà morte, ça me coute rien d'avoir l'estomac plein avant.

- Tu es encore plus crasseuse que d'habitude chaton. Tu sais mon offre de bosser ici tiens toujours. Tu es un peu jeune, mais j'ai des clients qui n'ont rien contre les gosses ici, et puisque la maison joue sur l'étiquette ca n'a pas grand chose a voir avec... 
- Non merci Carl, j'ai pas l'intention d'rejoindre tes "filles" ni aujourd'hui, ni d'main. 
- Haw... tu serais si mignonne en costume pourtant.
- Tu m'épargnes le blabla s't'plait?
- Ca va, ca va, ton caractère est ton seul défaut chaton. Bon, les faits. J'ai un client à moi, Teddy, qui s'est un peu trop excité sur Suzanne une de mes filles hier. Le doc m'a indiqué qu'elle aura du mal à s'en remettre et du coup c'est un peu le bordel chez mes filles.
C'est pas cool le bordel, tu vois, ça ruine les affaires, et j'ai la réputation de la boite qu'il faut tenir. Mais Teddy, c'est un client, et je peux pas faire de mal a un client, même si c'est un gros con. La réputation chaton, je te cache pas que c'est important dans le milieu. 
Mais, si une amie de ma "fille" plombe l'enfoiré qui lui a péter les os et qui l'a tabassée à mort pour le "fun", c'est pas mes oignons, après tout, ce sont des histoires de famille.
- Je dois l'buter du coup?
- Ha, ca serait pas assez amusant, et les autres clients de la maison s'en ficherait pas mal, ce genre d'accident pourrait arriver de nouveau. Nan, je préfère que tu lui explose les couilles, après tout, un bon toubib et deux trois engins et ça se rafistole.

Je m’interromps, la demande est un peu différente des meurtres classiques qu'il m'a demandé par le passé. Pas que ça m’inquiète, mais j'ai du mal à savoir s'il cherche à m'attirer des emmerdes ou a voir si je peux faire plus que du "tir au pigeon".

- Et s'il cane?
- Ca, c'est secondaire, l'important c'est le message.
- Ouai... S'tu veux... J'men fous, tu m'payes combien pour ça?

- Ha oui, le salaire, que dirait tu de 200 $, en liquide et je m'arrange pour qu'un ami à moi dans le quartier te libère un cercueil et te le loue... Sachant que je te paye trois mois de loyer d'avance.

Ho voila une offre alléchante, déjà parce-que je ferrais le boulot pour 50 $ et ensuite pour le cercueil... Ça serait pas du luxe de dormir dans un truc plus confortable que ma tente, ça m’éviterait le risque de me faire bouffer pendant la nuit par une bestiole errante... ou pire.

Le truc, c'est que les propriétaires louent rarement à des inconnus, histoire d'assurer leur arrière et d'éviter d'avoir à nettoyer les bouts de squatteur que l'on retrouve un peu partout quand on tire au Cal 12. Avoir le soutien de Carl c'est sans doute ma seule chance d'avoir un piaule. Qui ferrait confiance à une "clocharde pré-ado" hein.

- 'kay. Je marche, j'aurais b'soin d'un boite de balles, subsoniques.
- On t'en fileras une en sortant.
- Je l'trouve où ton client?
- Je t’envoie une photographie sur ton tel. Il passera ce soir vers 23h normalement sa bécane est sur la photo tu peux pas la louper.
- Je règle ça pour minuit.
- Si le boulot est bien fait, je t’envoie ta nouvelle adresse, l'argent sera sur le lit. Et n'oublie pas....
- Je t'ai jamais vu.
- Brave petite.

23h, ça me laisse le temps de préparer le terrain et de me faire mes chargeurs de Dum Dum. Il s'agit de pas le louper.

- - -

17 h 21- Zone N - Appartement de Jef

Merde, voila que je stresse. Comme avant chaque contrat...

C'est pas trop tuer qui me dérange, ça on s'y fait assez vite, c'est risquer ma peau qui me file des sueurs froides. Quoique, on la risque un peu partout sa peau quand j'y repense. 

Bon, j'ai la chance de pouvoir squatter dans l'appart de Jeff, j'aurais donc pas a craindre de me faire tomber dessus alors que je suis désarmée. 

Bon, je vais commencer te nettoyer Glock, déjà parce que tu le mérites, et ensuite parce que ça me détendra un peu.

Quand j'y repense, je t'aime beaucoup Glock... On en a fait du chemin ensemble. Tu es léger, facile à planquer, ton recul m'arrache pas le bras et ton mode automatique à le mérite de finir le boulot rapidement. 
 
Je crois que c'est sa présence contre mes hanches qui me permet de somnoler la nuit, même si c'est clair que j'irai pas m'amuser à chatouiller un Boomer avec toi, tu es plus que suffisant pour transformer le buffet d'un quidam en ratatouille.

Va falloir que je trafique les balles, des subsoniques c'est cool, mais il me faut des Dum-Dum pour la chasse à l'homme. Ça éclate la viande, et même s'il a un gilet par balle, je pense pas qu'il lui protège pas l'abdomen.

Je vais préparer mes cinq chargeurs, vérifier que les ressorts n'ont pas laché et vider un chargeur pour l'échauffement... Ensuite, je vais manger toutes mes provisions.. j'ai pas de seconde chance, alors autant assurer... 

Prévoyons la route en cas de pépin, je file dans la ruelle voisine, je prend la première a droite et direction les égouts, la plaque de cette rue est absente, ensuite, gauche, prochaine a droite, encore a gauche après 100 m, je remonte et je me planque dans la benne à ordure.

De là, j'improviserais... Ça m'a pas l'air trop mal comme ça.

Et pour le boulot...?

Je sais que la cible va arriver vers 23 h... en moto, je pense donc qu'il la déposera sur le parking du restaurant, là ou la "sécurité" due à la présence de caméra limite le nombre de vols...

Je connais la position des caméras, et donc le chemin à prendre pour qu'on ne me voit pas sur les enregistrement de Carl.

Je vais me poser là-bas. A la sortie du parking en direction de l'entrée principale, il va probablement tracer au plus cours... Je vais mendier quelques heures, histoire de faire partie du décors, et une fois qu'il se pointe, je le descend.

Méthode habituelle j'attaque en traitre... Bon, aller, en route. 


Estomac calé? Oui,
Le canon de Glock glisse bien? Ouaip. 
Mon couteau est toujours bien aiguisé..? Yeap. 
On ne le voit pas? non, idem pour le flingue. 
Je suis sale? Ouaip un vrai déchet, comme d'hab...

Un dernier regard à la photo du client... Et en avant.


- - -

22 h 38 

Pour le moment, je m'en tire pas trop mal, sur 26 clients aucun n'a trouvé ma présence étrange... J'ai glané 3 dollars et un crachat, pas de coups... Ça va, j'aurais pas perdu mon temps si jamais ma cible ne vient pas.
 
AH ! Voila le bruit d'un cylindrée en approche !! Je ne sais pas quelle heure vu que j'ai pas sortit mon portable, mais vu que je suis éclairée par un lampadaire dégueulasse depuis un long moment, je pense qu'il doit s'agir de mon client.
Bingo. Le voila qui descend de sa moto, et comme la photo l'avait laisser deviner... c'est un sacré spécimen, presque deux fois ma taille, fait de muscles et de tatouages, il a même un bras cybernétique apparent, chromé et décoré de cranes. Vêtus d'un treillis qui laisse voir des abdominaux sculptés à la dope le voila qui quitte son fier destrier, avant de se recoiffer et d'avancer dans ma direction. Enfin, plus en direction de la sortie, car il ne m'accorde même pas un regard quand il jette un œil aux alentours avant de poser son casque.

Je reste dans mon rôle, a faire semblant de me recroqueviller dans mes détritus, mais j'en profite pour agripper la poignée de mon arme. Du pouce, je lève la sécurité de mon partenaire qui va devoir très vite faire ses preuves

Mon cœur s'emballe et sous l'effet du mélange d'excitation et de trouille, tout me semble plus précis, plus clairs.

Le mastodonte avance tranquillement tel un mâle alpha frimant devant sa meute, il m'ignore completement, trop occupé à surveiller le coin en exhibant un revolver dont le calibre devrait suffire à me couper en deux.

Il doit s'attendre à une réaction de Carl, et il est un peu stressé... et le voila qui me dépasse.

- Vous avez fait tomber un truc m'sieur.

Alors que je minaude il ralentit intrigué par ma phrase. Mais je ne perd pas une seconde de plus et je braque mon arme en direction de son entrejambe. 

Je tire ; Mon arme crache son métal en produisant trois claquements secs.

Malgré un tintement métallique qui indique la présence d'une coque destinée à protéger les bijoux de famille de monsieur, les balles se fraient un chemin : l'entrejambe et le bassin de ma cible éclatent  à l'arrivée des balles et un retour chaud et poisseux vient s'écraser sur ma joue. 

L'odeur du sang frais se repend dans la ruelle tandis qu'incrédule le Goliath s'effondre sur le sol.

- Fallait pas toucher Suzanne, 'culé.

Assez de blabla, j'inspire un grand coup et sous la pression de mon index, mon arme crache de nouveau trois projectiles qui viennent s'enfoncer dans son torse avant d'être stoppé par un gilet par balle.

- Putain de

 
Nouvelle inspiration, et je vide mon chargeur dans sa putain de tête, avant de lui laisser le temps d'atteindre son arme. Les balles viennent lui éclater la boite crânienne et le bruit organique de la cervelle malmenée me fait crisser des dents, surtout quand les morceaux de bouillie de cervelle qui se lancent à la conquête de mon pantalon... 

J'aurais du négocier un futal.

Bon, profitons de l'adrénaline... j'ai pas le temps de m'éterniser sur les lieux de mon crime. Je range rapidos Glock dans son holster, et j'extirpe mon téléphone de ma poche pour garder un souvenir pour mon employeur. Le flash semble durer une éternité, mais la photo est nette, et même si les balles ont ravager la tête de ma cible, celle ci est a peu prés reconnaissable.

Je balaye les alentours du regard... J’hésite, fouiller le corps c'est la possibilité de trouver du fric, du matos un petit bonus quoi... Après tout, il allait voir une fille ce type... Mais bon, vu que JE l'ai buté c'est chaud de rester à coté de son corps encore tiède.

En même temps, ça serait plus louche de me voir filer d'ici sans l'avoir dépouillé...? Ouai, ça serait con d'avoir des ennuis par manque de cupidité.

- Montre un peu ce que tu caches mon mignon.

Bon récupérer son bras est impossible, j'ai pas le temps, c'est con car ça vaut une belle somme de quoi me nourrir un bras... Par contre, les piercings en argent, c'est bon ! Donne... doooonne.. voila. Un portefeuille? Yeap, conneries, conneries, conneries, haha ! Oh, le jolie rouleau de biftons !

Cinq dix quinze dix sept, soit un paquet de trois cent quarante dollars, et bah mon con c'est pas tout les jours que je peux me faire une prime pareille... Tu permet, je te prend ton revolver aussi... s'pas comme s'il pouvait te servir....

Mmm... je devrais en tirer au moins 50 dollars, c'est cool... Hé, un paquet de clopes, y'avait un bout...8.. donc autant de dollars et ensuite...


Hé... c'était quoi ce bruit? 

Je lâche la veste que j'ai commencé à fouiller pour balayer le parking du regard... Une impression peut être? Dans le doute, je me casse !

Sans plus attendre je file dans la ruelle, avant de rejoindre ma porte de sortie vers les égouts. Là j’attends quelques minutes...
Oui... je ne suis pas suivie. Bon, je reste sur mes gardes, et je reste sur mon itinéraire avant d’aller chez Jeff... 

C'était une bonne affaire... à 600 dollars l'après-midi j'ai gagné gors et ce soir, je dors dans un lit.. nan dans MON lit.


Putain de bonne affaire. Il est minuit cinq, bah, je suis a peine en retard... Joindre photo "Voillla" et Envoyer !

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